La statuette de saint Antoine et son cochon

La statuette de saint Antoine le Grand accompagnée d’un pourceau est une des œuvres les mieux conservées et les plus estimables du musée.

Une statuette bien conservée

La statuette en bois peint est fixée sur une petite console polygonale peinte en faux-marbre aux pieds dorés en volutes de feuillage. Saint Antoine, debout, la silhouette élancée, regarde le ciel dans une attitude d’extase.

Représenté en vieillard, selon la tradition iconographique, il porte le front dégarni, les cheveux blancs avec la tonsure et une longue barbe blanche. Le visage est sculpté avec un grand souci de réalisme de sorte que la profondeur du regard incrusté d’émaux vienne compléter l’expression pathétique du sujet.  

Son habit fastueux se compose d’une longue et ample tunique jaune peinte de motifs or par-dessus laquelle il revêt une coule brune à motifs floraux bruns et or. Le traitement du large manteau noir à pèlerine, également peint de motifs or, trahi une volonté de la part du sculpteur de faire état de sa maitrise du jeu des drapés.

De sa main droite, saint Antoine tient le tau des saints thaumaturges auquel la clochette est aujourd’hui fixée à l’aide d’un fil de fer. De la main gauche, il porte le livre de la règle des Antonites sur lequel brûlent les flammes rouges du « feu saint Antoine ».

Au pied de la statuette, se tient, sur ses quatre pattes, un petit pourceau noir.

Saint Antoine dans le faste baroque du XVIIe

La statuette de saint Antoine semble être entrée dans les collections du musée au moment de sa création dans les années 1930.  Malgré le manque d’informations sur sa provenance, une datation a pu lui être attribuée d’après style. En effet, l’œuvre semble s’inscrire dans la première période baroque du XVIIe siècle. Cela se perçoit à travers le style rocaille de la petite console en faux-marbre et aux pieds dorés en volutes mais aussi par l’utilisation d’incrustations d’émaux.

L’œuvre semble destinée à la décoration, à l’apparat, ce qui explique la richesse outrancière du vêtement en totale opposition avec la tradition du saint Antoine ermite vêtu de sa bure à capuchon. Par ailleurs, cette volonté de souligner l’élan mystique du saint représenté en extase est typique du XVIIe siècle.

La statuette témoigne d’une certaine habileté et pourrait s’inspirer d’un modèle plus connu, peut-être orfévré.

Le pourceau et le feu de saint Antoine

La statuette représente Antoine le Grand, à ne pas confondre avec Antoine de Padoue. Père de tous les moines, Antoine le Grand se retira dans le désert égyptien au IIIe siècle où il fonda, dans la région du Fayoum, une communauté d’ermites. Mort près de la mer Rouge vers le milieu du IVe siècle, il tomba rapidement dans l’oubli jusqu’au moment des Croisades où un seigneur du Dauphiné trouva ses reliques sur le chemin de la Terre Sainte. Les reliques furent donc ramenées dans le Dauphiné où elles acquirent la réputation de guérir l’ergotisme gangreneux causé par la consommation de seigle contaminé par un champignon vénéneux (l’ergot de seigle).

Un ordre religieux, les Hospitaliers de saint Antoine, fut fondé pour guérir les victimes de ce qu’on appelait alors le mal des ardents ou feu de Saint-Antoine. Sur la statuette, les flammes rouges du feu de Saint-Antoine brûlent sur le livre de la règle des Antonites pour symboliser la virulence de la maladie.

Le pourceau, quant à lui, renvoie aux porcs que les moines antonites élevaient pour nourrir les pauvres et les malades. Ces cochons, dotés d’une clochette distinctive, étaient les seuls à pouvoir errer dans les rues et les parties communes. Ils étaient ainsi nourris avec la collaboration du village et permettaient de recueillir des dons. Cette association très tardive avec le cochon a fait de saint Antoine le patron entre autres des charcutiers. 

Bibliographie

« Visages de lumière, sculptures du Musée diocésain d’art religieux de Blois », Art sacré : cahiers de rencontre avec le patrimoine religieux, vol., n°17, 2002

SAUVAGE, Jean-Paul, « Une statuette de saint Antoine », La Renaissance du Loir & Cher, 7 novembre 2014. Archive consultable en ligne sur le site du musée : https://borne.amare41.fr/

Parole d’objets [podcast]. RCF Radio, 1er mars 2020, 24 min. Disponible sur : https://www.rcf.fr/culture-et-societe/parole-dobjets (14 août 2022).

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