Cette huile sur toile, inspirée d’un chef-d’œuvre de l’école italienne, représente la Présentation de l’Enfant Jésus au Temple de Jérusalem dans un style baroque XVIIe. Syméon, vêtu en prêtre, a reçu dans ses bras l’Enfant que lui a tendu la Vierge agenouillée à ses pieds tandis que la foule et des angelots s’agitent autour de la scène.
Emuler le maitre italien
Inspiré par la version très célèbre de Guido Reni, le peintre s’est lancé dans sa propre interprétation du programme iconographique dans une démarche d’émulation.
Lorsque l’on compare les deux œuvres, on remarque de la part de l’artiste une volonté de rompre la solennité de l’œuvre de Guido Reni en livrant une réinterprétation qui, sans égaler le maitre italien, affiche une composition savante et insuffle un nouveau dynamisme baroque très coloré.
L’artiste reprend la composition quadripartite initiée par Guido Reni dont il tente de rompre la raideur par l’emploi d’un format circulaire étiré en longueur. L’œuvre se divise en trois parties horizontales : une partie supérieure, elle-même divisée en deux puisque le décor architecturé d’ordre corinthien apparaissant à droite est dissimulé par un dais dans toute sa partie gauche à partir du milieu ; une partie médiane où s’amassent les figures dans une sorte de désordre organisé ; et une partie inférieure, comme chez Guido Reni, avec les deux marches de l’estrade. Sur ces marches ont été représentées, dans la peinture du musée, les armoiries du commanditaire. La scène anecdotique du jeune garçon regardant les tourterelles a été remplacée, dans la version du musée, par une figure repoussoir et le sujet des tourterelles a été rejeté derrière la Vierge, dans la pénombre.
Ce changement de la part de l’artiste semble également relever d’une volonté d’équilibrer la composition. En effet, la ligne sinueuse de la figure dans la partie inférieure répond à la courbe formée par le dais dans la partie supérieure. Il en résulte un effet de mise en abîme inscrivant la figure de la Vierge au centre d’un second ovale au sein du cadre ovale principal.
La lumière, provenant de la gauche, éclaire les protagonistes de l’œuvre : l’Enfant Jésus et la Vierge – qui sont les deux seuls personnages nimbés – et Syméon. Deux autres personnages, barbus et au front dégarni se tiennent aussi dans la lumière de part et d’autre du groupe central. Le premier, à gauche, est vêtu des couleurs traditionnellement attribuées au XVIIe siècle à saint Paul (le vert et le rouge). Quant au second, à droite, il arbore les couleurs de saint Pierre (le jaune et le bleu). Cependant, il semble plus probable que l’homme se tenant derrière la Vierge soit saint Joseph. La mystérieuse figure voilée dans la partie inférieure a également le visage éclairé. Un cierge allumé, tenu par saint Pierre entre Syméon et la Vierge, semble constituer le point focal de la composition.
Bien que la partition générale de l’œuvre et l’attitude du trio central (extase de Syméon, l’Enfant Jésus très humanisé et la Vierge agenouillée) sont la preuve indéniable de l’influence de Guido Reni, les coloris des habits font davantage penser aux grands maitres de l’école vénitienne que sont Titien et Véronèse. De même, l’emploi du clair-obscur renvoie à l’œuvre du Caravage.
Les angelots qui s’agitent dans la partie supérieure sont des éléments typiques du baroque.
Syméon « le juste » et Anne « la prophétesse »
La Présentation au Temple nous est relatée dans l’Evangile selon Luc. La Vierge, après avoir mis au monde l’Enfant Jésus, se doit d’attendre une semaine, selon la loi juive, avant de se rendre au Temple de Jérusalem pour se purifier en sacrifiant « une paire de tourterelles ou deux jeunes pigeons ».
Arrivés à Jérusalem, ils sont accueillis par un vieillard très pieux et « juste » nommé Syméon qui ne pourrait mourir qu’après avoir rencontré le Messie. Ici, Syméon arborant sa longue barbe blanche, devient le prêtre du Temple chargé de recevoir l’Enfant, un raccourci qui s’est inscrit dans la tradition picturale dès le XVe siècle mais que Guido Reni n’adopte pas. Chez Guido Reni, Syméon observe l’Enfant Jésus discrètement, dans la pénombre, au côté de sainte Anne.
Anne « la prophétesse » est une vieille femme qui, selon le récit de Luc, a averti les foules de la venue du Messie lors de la Présentation au Temple. Dans notre version, sainte Anne est représentée à l’arrière-plan. Saisie dans le mouvement, elle semble se tourner vers l’assistance pour indiquer, d’un geste de la main, la présence du Messie.
La pureté de la Vierge et l’annonce de la Nouvelle Loi
Par un jeu savant de la composition, l’artiste réussit à représenter l’épisode de la purification de la Vierge tout en exprimant la désuétude de cette tradition juive par rapport à la pureté inhérente à la Vierge. Les tourterelles du sacrifice de purification prescrit par la loi juive, sont rejetées à l’arrière-plan, dans la pénombre, dans le dos de la Vierge, génitrice du Christ.
De même, la figure de saint Pierre, incarnant traditionnellement la Nouvelle Loi (la Remise des clefs de l’Eglise à Pierre s’opposant à la Remise des Tables de la Loi à Moïse), semble freiner de sa main gauche la jeune femme portant les tourterelles, pour mettre en avant de son autre main –la droite – le cierge rappelant l’Immaculée Conception.
L’artiste parvient à mettre en avant la pureté de la Vierge tout en figurant l’idée complexe de la nécessité d’abolir l’Ancienne Loi au profit de la Nouvelle apportée par le Messie qui vient de naître.
Sur la provenance de l’œuvre
La Présentation au Temple, aujourd’hui propriété du musée, a été achetée près d’Avignon dans le sanctuaire Notre-Dame de Lumières où Antoine de Nantes, passant près de l’ancienne chapelle dédiée à la Sainte Vierge Marie, a été guéri par une apparition de l’Enfant Jésus tout rayonnant. Cet événement fut à l’origine de pèlerinages pour obtenir guérison par intercession de la Vierge.
La destination de cette peinture explique ainsi en partie son traitement : la Vierge, agenouillée vers l’Enfant irradié, semble intercéder auprès de lui pour le peuple qui se tient dans son dos. De même, l’unique cierge a été placé au centre pour symboliser le sanctuaire Notre-Dame de Lumières auquel l’œuvre est rattachée.
Quant au commanditaire, le déchiffrement des armoiries peintes sur le tableau nous a orientés sur la piste de Mgr Michel d’Almeras, évêque du comtat venaissin (diocèse d’Avignon). Toutefois, l’identification parait douteuse au vu de la datation du modèle de Guido Reni vraisemblablement réalisé en 1636 alors que Michel d’Almeras décède en 1633. Néanmoins, l’hypothèse d’une commande de la famille d’Almeras n’est pas à écarter.
L’œuvre et le musée
Restauré par François Klein en 2018, le tableau est aujourd’hui l’un des plus beaux que le musée conserve dans ses collections. Exposé dans l’entrée du musée depuis plusieurs années, il est l’un des objets qui en constituent l’identité.