Le chien de Fô

Le chien de Fô

Le « chien de Fô » en faïence de Nevers compte parmi les objets non-religieux des collections du musée. La faïence représente un lion gardien comme on les trouve traditionnellement en Chine où ils flanquent les monuments impériaux chinois depuis la dynastie Han (206 av. J.-C. – 220 apr. J.-C.).

Chien ou lion ?

Le lion en faïence bleue et blanche repose sur un socle orné de motifs végétaux. Assis sur ses pattes arrière, il pose sa patte avant gauche sur une boule.

Sa queue est relevée et sa crinière se dessine par mèches ondulées en relief dans son dos. Affublé d’un collier, le lion à la gueule stylisée affiche une expression féroce. Ses oreilles sont arrondies, ses yeux en amande sont soulignés de bleu et sa forte mâchoire est entrouverte, révélant des crocs acérés. Des flans jusqu’aux oreilles, le lion est orné de motifs bleutés.

Une tradition antique chinoise

Dans la Chine impériale, on attribuait à ces lions des pouvoirs protecteurs. Toujours représentés en couple, ils étaient une manifestation du yin (la femelle) et du yang (le mâle).  Aujourd’hui, ils se sont largement répandus comme objets décoratifs et on les retrouve à l’entrée des supermarchés ou restaurants chinois. Appelés en chinois simplement shi, qui signifie « lion », ils sont appelés en Occident « lions de Fô » ou « chiens de Fô ».

Une « chinoiserie » de Madame de Pompadour?

L’attrait pour l’art chinois en Occident est présent depuis l’Antiquité mais il connait un véritable épanouissement au XVIIIe, siècle où fleurissent les salons chinois dans les châteaux européens. Frédéric II fait notamment construire tout un pavillon, la maison de thé chinoise, dans le parc de Sanssouci à Postdam.

La reconnaissance mutuelle de l’Empereur Xangxi et de Louis XIV accélère, en France, le développement du goût pour les « chinoiseries », c’est-à-dire des objets d’art européen décoratifs dont l’esthétique décalque l’art d’Asie.

A Nevers, notamment, les ateliers de faïencerie produisent des assiettes reprenant les motifs de l’art asiatique. Le chien de Fô se trouve être l’un de ces objets réalisés dans les ateliers de Nevers selon la mode des faïences Ming, au camaïeu de bleu et blanc, qui décoraient les châteaux européens.

Le chien de Fô ornait l’intérieur du château de Menars lorsqu’il appartenait à la marquise de Pompadour puis lorsqu’il fut passé à son frère le marquis de Marigny, esthète et collectionneur à qui le roi Louis XV avait offert quantité d’objets. On conserve, par ailleurs, aux archives départementales, les dessins de projets de fabriques pour l’aménagement classique des jardins de Menars qui comportaient, entre autres, un temple de l’amour, une orangerie et un décor de statues d’artistes et de pièces de faïence.

Un objet orphelin ?

L’objet a été donné en 1932 au musée, peu de temps après sa fondation, par Gaston Goumain. L’étiquette encore présente sur le socle raconte comment, à la fin du XIXe-début du XXe, ce collectionneur blésois, ayant aperçu le chien de Fô dans le jardin de ses voisins, rue du Foix, aurait convaincu ces derniers de le lui vendre. Les chiens de Fô venant toujours par pair, on peut supposer qu’il en existait un second, aujourd’hui perdu.

Le chien de Fô serait arrivé à Blois suite à la vente des statues du château, à la fin du XIXe siècle, par les propriétaires, descendants du Prince de Chimay qui avait épousé une veuve, héritière de Menars.

Un objet non-religieux dans un musée religieux

Le chien de Fô du musée, produit pour le goût chinois, a perdu sa fonction religieuse et protectrice initiale au profit d’une fonction décorative. Sa mise en avant dans la salle d’exposition est un témoignage de l’histoire du goût régional et rappelle la spécificité du Musée d’Art Religieux de Blois qui conserve également en ses collections des objets d’art non-religieux, objets d’art décoratif ou objets archéologiques entre autres, acquis grâce aux dons de collectionneurs.

Bibliographie

Parole d’objets [podcast]. RCF Radio, 13 décembre 2020, 25 min.

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